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Shel(l)ter

unter … ( ) …Gitter

2ème partie de Shel(l)ter, cycle pour ensemble et électronique.

Durée : 14'45.
Effectif instrumental : clarinette, basson, violoncelle, 3 percussions et électronique (6 canaux).
Date de composition : septembre 2009.

Résidence : STUDIO ÉLECTRONIQUE de la TECHNISCHE UNIVERSITÄT (Berlin, DE).
Création mondiale : ensemble L'ITINÉRAIRE (dir. Jean DEROYER). CLARA MAÏDA - CONCERT-PORTRAIT du DAAD, festival Ultraschall (Berlin, DE), 30/01/2010.

Fiche technique (pdf)

Photos de l'abri antiatomique © Clara Maïda

 

Extrait de partition
(pdf)

2010

Partition Shel(l)ter - unter … ( ) …Gitter par Clara Maïda

 

[ cl, bsn vlc, 3 perc et élect ]

Notice de programme

Shel(l)ter est un cycle de quatre pièces qui se réfère à un espace très spécifique, l’un des abris anti-atomiques de Berlin.

Le redoublement de la lettre « l » condense les mots « shell », (« coquille » ou « carapace », en anglais) et « shelter » (« abri »), qui évoquent tous deux la tentative de protéger le corps contre toute agression. Mais « shell » désigne également un obus, et la double polarisation de ce mot souligne alors combien le comportement humain est absurde lorsque l’on construit à la fois des objets de destruction massive et des objets de « protection massive ».

Placée à l’intérieur de parenthèses, ce « l » redoublé signale à la fois une butée et la bifurcation ou la transformation d’un élément répété, une rupture, une mutation de la structure d’un matériau donné ou d’une situation, ainsi qu’une séparation ou un enfermement, l’effet pervers autodestructif que toute protection est également susceptible d’induire quand elle débouche sur l’isolement.

Dans Shel(lter, on pourrait parler de « nanomusique » (référence aux nanosciences qui observent et manipulent des objets à l’échelle atomique), dans la mesure où cette mobilité et cette transformation des propriétés du tissu musical résultent de microprocessus qui agissent sur les particules sonores. Ces processus engendrent des variations de masses, de formes et de parcours, mais aussi des résistances ou des persistances. La dimension atomique nous rappelle ainsi que tout est particule, tout est atome, le champ sonore n’étant qu’un des possibles du champ infini de la matière.

Cette deuxième pièce du cycle fait plus directement référence à ce lieu étrange qu’est un abri antiatomique. 

Le sous-titre unter... ( ) ...Gitter - qui signifie en allemand « dessous... ( ) ... grille » - évoque, d’une part, l’aspect  souterrain du lieu que l’on peut rapprocher d’une cave ou même d’un caveau, car cette descente sous la ville peut déclencher l’impression d’être enterré.
D’autre part, le mot « grille » rend compte de la sensation oppressante qu’un espace fermé peut induire. L’opacité des parois, la coupure avec l’extérieur et le silence susciteraient alors un malaise ou une angoisse qui sont d’autant plus importants que la durée du séjour serait inconnue dans le cas d’une catastrophe atomique.
La fonction protectrice passerait alors au second plan et l’impossibilité de quitter l’abri serait vécue comme un emprisonnement.

Dans cette pièce, la structure harmonique s’appuie sur quatre agrégats, quatre bornes qui limitent l’espace. Quatre séries de processus rythmiques joués par les percussions (bois) forment des sortes de blocs placés entre les différentes séquences musicales de la pièce qui sont hachurées. Chaque fois qu’une évolution du matériau est tentée, elle est interrompue comme si un obstacle était infranchissable. De courtes situations sonores sont alternativement énoncées, mais sans pouvoir poursuivre leur trajectoire. Elles reviennent, mais leur brièveté persiste en raison de l’impuissance à frayer une ouverture.

Le discours musical se confronte à cette dimension inexorable d’enfermement qui fait naître une longue plainte. Une sorte de monologue affolé exprime toujours plus la difficulté d’exister dans un tel environnement, la sensation d'absurdité et la proximité d’une folie qui serait le seul débordement possible hors du cadre.

Les séquences électroniques ponctuent la pièce d’instants où la mémoire déformée d’un monde perdu semble émerger fugitivement. Mais l’absence de perspective ravive dans la conclusion la présence envahissante d’une force sonore, statique et pulsative, proche de ces gestes automatiques et rigidifiés accomplis par un individu quand il a renoncé à toute espérance.

Clara Maïda, novembre 2010

Shel(l)ter - unter... ( )...Gitter - Partition - Page 71

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