Later jester
2ème partie de Lostery 1, 1er volet de Lostery, triptyque d'installations sonores et visuelles et d'oeuvres pour clarinette contrebasse solo et électronique.
Durée : 11'01.
Effectif instrumental : clarinette contrebasse solo et électronique (6 canaux).
Date de composition : avril 2012.
FRANCO EVANGELISTI 2022 - Finaliste (Rome, IT).
Commande : INA-GRM.
Résidence : GRM (Paris) et STUDIO ÉLECTRONIQUE de la TECHNISCHE UNIVERSITÄT (Berlin, DE).
Création mondiale : Armand ANGSTER (ensemble ACCROCHE NOTE). Festival Multiphonies (Maison de RADIO FRANCE, GRM, Paris), 05/05/2012.
Autres concerts : Theo NABICHT, Ostrava Days (Ostrava, CZ), 20/08/2021. Inter Arts Center (Malmö, SE), 13/09/2020. BKA Theater, Unehörte Musik (Berlin, DE), 08/09/2020. Festival Forma (Moscou, RU), 27/07/2019. Goethe-Institut (Mexico City, MX), 04/10/2017. Festival Heroines of Sound (Berlin, DE), 09/12/2016.
Extrait
Notice de programme
Later jester est le premier volet du cycle Lostery 1. Lostery 1 fait partie de Lostery, un triptyque de trois installations sonores et visuelles et de trois pièces pour clarinette contrebasse et électronique.
Le mot « jester » désigne à la fois le fou du roi (le bouffon) et le fou du jeu d’échecs.
On pourrait traduire Later jester - ou « the later jester » - par « le fou ultérieur », « le fou suivant » ou « le dernier fou » d’une lignée.
En cette période où nous nous interrogeons souvent sur l’absurdité des choix politiques et sociétaux, s’est imposée comme une évidence l’idée de remettre sur le devant de la scène (sonore) un personnage tellement important dans les cours du Moyen-Âge et de la Renaissance. Selon les époques et les lieux, le bouffon était, soit le simple jouet passif des puissants (comme nous le dépeignent les toiles de Velázquez), soit l’émetteur d’une critique satirique du pouvoir considérée comme nécessaire. Mais il a été bientôt institutionnalisé et a perdu progressivement sa liberté de parole et son caractère subversif pour finalement disparaître des lieux de pouvoir.
Sur l’échiquier politique contemporain, il devient difficile de marquer la distinction entre les bouffons et les puissants dont le spectacle nous donne à la fois l’envie de rire et de pleurer.
C’est pourquoi l’univers sonore de la pièce oscille entre le grotesque et l’effroi, entre le ricanement et la plainte. Le grotesque de ce que l’on nous donne à entendre et à voir. L’effroi qui nous saisit devant la vacuité et l’impuissance masquées derrière les vociférations.
Sommes-nous les jouets des fous, les fous de ces nouveaux fous ? Disposent-ils de nous à leur guise ou la voix d’un contre-pouvoir peut-elle encore être émise ?
Dérision et désarroi forment ici un couple indissociable. Une dimension un peu monstrueuse s’exprime à travers les sons électroniques et instrumentaux fréquemment accompagnés de la voix (cri dans l’instrument). Celle-ci prend un caractère différent dans la conclusion de la pièce. Le ricanement saccadé produit dans le tube de l’instrument nous rappelle l’ambiguïté du rire. En effet il peut être également l’expression d’une inquiétude ou d’une souffrance cachée et comporter une dimension dérangeante.
J’avais également à l’esprit ces jouets que l’on nomme des diables en boîte. Ces personnages vêtus comme des bouffons surgissent soudainement de leur boîte, créant ainsi chez les enfants un effet de surprise où se mêlent la peur et le rire.
Une discrète référence au jeu d’échecs s’énonce sous la forme de seize notes répétées dans des registres opposés. Leur seule mobilité est une petite oscillation très fugitive. Elles semblent ainsi se faire face, comme si les pions adverses étaient figés dans leurs positions initiales sur l’échiquier et dans l’attente d’une partie impossible à engager.
La conclusion de la pièce évoque l’épuisement ou l’essoufflement d’un monde, d’une partie où les gesticulations sonores se sont succédé mais sans marquer d’avancée significative.
Clara Maïda, avril 2012
Later jester - Partition - Page 12