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Fluctuatio (in)animi


1ère partie de Psyché-Cité/Transversales, triptyque pour ensemble et dispositif électroacoustique 4 canaux.

Durée : 13'42.
Effectif instrumental : flûte, violon, alto, violoncelle, contrebasse et électronique (4 canaux).
Date de composition : octobre 2006.

PRIX ARS ELECTRONICA 2007 - Honorary Mention (Linz, AT).

Commande : AKADEMIE DER KÜNSTE de Berlin.
Résidence : STUDIO FÜR ELEKTROAKUSTISCHE MUSIK de l'AKADEMIE DER KÜNSTE et AKADEMIE DER KÜNSTE (DE).
Création mondiale : KNM Berlin, Akademie der Künste (Berlin,  DE), 25/11/2006.

Autres concerts : KNM Berlin, festival Heroines of Sound (Berlin, DE), 09/12/2016. Ensemble ARGONAUT (dir. Elliott GYGER), BIFEM (Bendigo-Melbourne, AS), 06/09/2014.

Fiche technique (pdf)

Notice du cycle (pdf)

 

Extrait de partition
(pdf)

2006

Partition Fluctuatio (in)animi par Clara Maïda

 

[ fl, vln, alt, vlc, cb et élect ]

Notice de programme

Le titre évoque la notion de « fluctuatio animi » que Spinoza a développée en l’articulant à la notion d’affect.
La simultanéité d’affects contraires induit un réaménagement, mais aussi un conflit au sein de la dynamique psychique.
La « fluctuatio animi » serait la zone où s’articule le renversement des forces psychiques d’un individu, ce moment suspendu, flottant, où s’effectue la fin d’un cycle affectif qui pourrait basculer d’un côté comme de l’autre de la contradiction, c’est-à-dire vers la répétition ou l’amorce d’un nouveau cycle.
Ce n’est pas l’hésitation entre plusieurs voies, car le mouvement n’est pas encore actualisé. C’est le recouvrement virtuel et mouvant de l’ensemble des voies qui s’organise en un espace au sein duquel toutes les connexions possibles entre les éléments forment un champ problématique (dans le sens mathématique du terme).

J’ai imaginé ce titre Fluctuatio (in)animi afin d’évoquer la difficulté d’éviter l’aliénation affective, c'est-à-dire la cristallisation sur des schémas récurrents de relations ou de comportements (qui peuvent presque sembler inanimés).
Ce serait ce moment suspendu qui peut basculer, soit vers une répétition créatrice de micro-différences au sein de la structure et de la matière, soit vers une répétition mortifère incapable d’engendrer de nouveaux agencements, c'est-à-dire vers l’attraction magnétique qu’exercent les pôles de fixation présents dans la mécanique des affects.
Ce pourrait être également l’inclination systématique vers cette mécanique (en dépit de l’ouverture sur un autre champ possible), le Thanatos de Freud, celui-ci désignant alors non pas la mort de tout mouvement, mais la mort d’une potentialité de renouvellement et la persistance sans fin du même geste.

Cette pièce est le premier volet du cycle Psyché-Cité/Transversales dont le projet est d’élaborer un système sonore qui fonctionne comme un organisme (ensemble de termes et de relations) mutant, au croisement des matières psychique et urbaine. Elle intègre des matériaux hétérogènes (sons instrumentaux et sons urbains présentant un caractère mécanique) dans une trame plastique et évolutive qui dépasse les catégories.

Comme dans Via rupta (troisième volet du cycle), un principe dynamique infiltre les séries d’événements, circule d’une strate à l’autre, modifie continuellement leur articulation et leurs contours, induisant ainsi une superposition de perspectives, un enchevêtrement de points de vue.
Ce qui importe, ce ne sont pas les objets ou les complexes d’objets en eux-mêmes, dont l’identité est constituée et dissoute dans le même instant, mais le réseau que l’ensemble de leurs trajectoires suggère.

Le rapprochement entre l’expérience psychique et corporelle et l’univers urbain se manifeste au niveau d’un affrontement entre deux « comportements » sonores opposés : la rapidité et la prolifération que l’on retrouve aussi bien dans les connexions mentales que dans la structure d’une ville, ou la tendance à s’enfermer dans des processus répétitifs, aussi bien sur le plan psychologique que dans l’élaboration de nos cadres de vie.  Toute la pièce est basée sur cette dialectique entre la proposition de donner une architecture mobile à tous ces sons qui vivent de manière anarchique sous la ville afin de dégager la force poétique dont ils sont imprégnés, leur apparence presque vivante quelquefois (râles, souffles...) et une sorte de parole inarticulée et obturée, celle de la pulsation, de la répétition inexorablement figée des sons mécanisés. Elle nous rappelle que si ces prothèses urbaines, dont nous tendons à oublier qu’elles sont des leurres, des voilements de nos manques, nous maintiennent dans l’illusion de la puissance (sorte de permanence rigide et immuable qui annule l’idée d’une fin possible), elles nous imposent également une aliénation que nous voulons occulter.

Oscillant entre ce processus susceptible de mobiliser de nouveaux circuits et un mouvement de blocage qui tourne sur lui-même et ne peut pas échapper au retour vers le même centre (et ici, la métaphore de la machine prend tout son sens), la pièce pose aussi la question de la difficulté d’une réelle liberté qui, évitant tout automatisme, serait caractérisée par la capacité d’inventer sans cesse de nouvelles ramifications.

Clara Maïda, novembre 2006

Fluctuatio (in)animi - Partition - Page 26

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