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Shel(l)ter

seither… ( ) …Splitter

hinter… ( ) …Eiter


3ème et 4ème parties de Shel(l)ter, cycle pour ensemble et électronique.

Durée : 12'04.
Effectif instrumental : flûte, hautbois, clarinette, trompette, cor, percussion, violon 1, violon 2, alto, violoncelle et contrebasse amplifiés.
Date de composition : décembre 2009.

KOMPOSITIONSPREIS DER LANDESHAUPTSTADT STUTTGART 2011 - 1er Prix (DE).

Commande : MINISTÈRE DE LA CULTURE / Ensemble L'ITINÉRAIRE.
Coproduction : BERLINER KÜNSTLERPROGRAMM du DAAD/Festival Ultraschall. Avec le soutien d'IMPULS NEUE MUSIK (fonds franco-germano-suisse pour la musique contemporaine).
Création mondiale : ensemble L'ITINÉRAIRE (dir. Jean DEROYER). CLARA MAÏDA - CONCERT-PORTRAIT du DAAD, festival Ultraschall (Berlin, DE), 30/01/2010.

Autres concerts : ÖSTERREICHISCHES ENSEMBLE FÜR NEUE MUSIK (dir. Titus ENGEL), festival ECLAT (Stuttgart, DE), 09/02/2012. Ensemble L'ITINÉRAIRE (dir. Jean DEROYER), CONCERT-PORTRAIT CLARA MAÏDA, Auditorium Saint-Germain (Paris), 16/02/2010.

Fiche technique (pdf)

Photos de l'abri antiatomique © Clara Maïda

 

Notice de programme

Shel(l)ter est un cycle de quatre pièces qui se réfère à un espace très spécifique, l’un des abris antiatomiques de Berlin.

Le redoublement de la lettre « l » condense les mots « shell », (« coquille » ou « carapace », en anglais) et « shelter » (« abri »), qui évoquent tous deux la tentative de protéger le corps contre toute agression. Mais « shell » désigne également un obus, et la double polarisation de ce mot souligne alors combien le comportement humain est absurde lorsque l’on construit à la fois des objets de destruction massive et des objets de « protection massive ».

Placée à l’intérieur de parenthèses, ce « l » redoublé signale à la fois une butée et la bifurcation ou la transformation d’un élément répété, une rupture, une mutation de la structure d’un matériau donné ou d’une situation, ainsi qu’une séparation ou un enfermement, l’effet pervers autodestructif que toute protection est également susceptible d’induire quand elle débouche sur l’isolement.

Dans Shel(lter, on pourrait parler de « nanomusique » (référence aux nanosciences qui observent et manipulent des objets à l’échelle atomique), dans la mesure où cette mobilité et cette transformation des propriétés du tissu musical résultent de microprocessus qui agissent sur les particules sonores, engendrent des variations de masses, de formes et de parcours, mais aussi des résistances ou des persistances. La dimension atomique nous rappelle ainsi que tout est particule, tout est atome, le champ sonore n’étant qu’un des possibles du champ infini de la matière.

Cette dernière pièce du cycle comporte deux volets. Elle évoque la pulvérisation des objets et des corps qui suivent l’explosion d’une bombe atomique, et les bouleversements que les émissions radioactives opèrent sur la matière organique.
Dans le premier volet, dont le sous-titre est seither... ( ) ...Splitter - ce qui signifie en allemand « depuis... ( ) ... éclat » - les éléments musicaux qui étaient utilisés dans les pièces précédentes sont déchirés en morceaux. C’est l’éclatement d’un monde et les fragments déchiquetés traversent l’espace sonore dans toutes les directions. Les objets sonores ont perdu toute cohésion, toute polarité. Leurs débris s’entrechoquent et subissent de nombreuses diffractions vers une multiplicité de trajectoires. On est dans une situation de fracas et de désordre. Un mouvement de chute revient régulièrement et mime à la fois les retombées de poussières radioactives et l’effondrement de ce qui existait.

J’avais à l’esprit l’image dynamique de l’onde de choc et du souffle énorme, de la boule de feu qui se forme, du champignon atomique et de son nuage qui se déploie par vagues en s’élevant rapidement avec un dégagement très important d’énergie thermique et de radiations avant de relâcher sa pluie de particules.

Le deuxième volet hinter... ( ) ...Eiter - qui signifie en allemand « derrière... ( ) ... pus » - dépeint la dégradation de la matière, l’atteinte des chairs, les cicatrices et les boursouflures, la décomposition et la putréfaction des corps. C’est le monde de la déliquescence qui induit la mutation ou la destruction des formes.

Dans certaines séquences où le matériau musical s’est raréfié, les instruments à vent émergent au cœur de la désolation (principalement hautbois, clarinette, trompette et cor). Ils émettent des sons multiphoniques proches du râle, de la plainte, sortes de témoignages des souffrances des survivants (en hommage aux victimes d’Hiroshima et de Nagasaki).

Ces voix expriment à la fois le traumatisme psychique et les blessures physiques. Leur connotation monstrueuse renvoie tout autant aux ravages organiques qu’à la barbarie humaine. Les sons informes des percussions (peaux frottées avec une baguette super ball) ou de la texture finale, qui superpose les glissandi élastiques des cordes, nous rappellent qu’au-delà des lésions immédiates de l’organisme causées par l’explosion et l‘irradiation, cette dernière est susceptible d’imprimer des modifications invisibles et extrêmement profondes dans le tissu cellulaire. Ces effets mutagènes se manifesteront sous forme d’anomalies affectant les descendants.    

Clara Maïda, novembre 2010

Shel(l)ter - seither... ( ) ...Splitter - Partition - Page 7

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